Fashion Revolution : le mouvement qui veut changer la mode
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Une catastrophe annoncée
Situé à Dacca, la capitale du pays, cet immeuble dehuit étages huit étages abritait des ateliers de confection textile. La veille de la catastrophe, des inspecteurs avaient constaté des fissures dans le bâtiment et requis son évacuation et sa fermeture. Les commerces et la banque ont fermé, mais pas les ateliers de confection situés aux étages supérieurs, construits sans permis. Le matin de la catastrophe, les ouvriers refusent d’entrer dans le bâtiment, à cause des fissures apparues la veille. La direction les menace de retenir leur salaire et de les licencier s’ils ne se mettent pas au travail. Ils finissent par céder et rejoignent leur poste. Une heure plus tard survient une panne d’électricité. Puis, à 9 heures, l’immeuble s’effondre sur lui-même tel un château de carte. Le bilan définitif est de 1138 morts et 2500 blessés.
A qui la faute ?
Cette tragédie a mis en lumière l’exploitation humaine des ouvriers textiles en Asie. En occident, l’opinion publique a été d’autant plus touchée que ses ouvriers travaillaient pour de grandes marques européennes. Savoir que nous avons peut-être dans nos garde-robes des vêtements confectionnés dans des usines à l’autre bout du monde par des ouvriers qui sacrifient leur santé et risquent parfois leur vie donne à réfléchir. Savoir que par nos achats, nous pouvons financer ce genre de pratique met mal à l’aise. Qui est responsable ? Du patron des ateliers de confection au consommateur, en passant par les gouvernements qui ferment les yeux et les marques qui mettent la pression aux fournisseurs, le champ de la responsabilité est large. Qui a le plus de pouvoir pour faire cesser ces pratiques ? Certainement ceux qui sont en bout de chaine et dont l’argent finance c commerce : nous, les consommateurs. Or, si nous sommes au cœur du problème, nous sommes loin de ces conséquences. Parce que le drame se situe sur un autre continent. Parce que rien, dans les boutiques où nous achetons ses vêtements, ne nous informe sur leurs conditions de fabrication. Et c’est là que notre responsabilité entre en jeu. Aujourd’hui, pouvons-nous plus dire que nous ne sommes pas responsables par ignorance ? Ne sommes-nous pas responsables de notre ignorance ?
Un drame humain doublé d'un désastre écologique
Les ouvriers textiles ne sont pas les seules victimes de la fast-fashion (mode éphémère), notre planète lui paye également un lourd tribut. Son but est simple : nous faire consommer un maximum. Sa stratégie ? Produire à bas-coût des vêtements qui doivent être renouvelés le plus fréquemment possible. On ne recherche donc pas la durabilité, puisque les vêtements ne seront que peu portés… voire pas du tout ! En France, il y a en moyenne dans chaque foyer 114 euros de vêtements jamais portés. Les marques de fast-fashion produisent des dizaines de collections par an, adoptant des stratégies commerciales qui cherchent à créer un besoin constant de nouveauté chez le consommateur. Le résultat de ses achats impulsifs : le débarras de vêtements encore portables représenterait dans le monde une perte de 390 milliards d’euros ! Mais le gâchis commence bien avant. La surproduction des marques de fast-fashion se traduit par d’énormes stocks d’invendus dont les marques se débarrassent… en les jetant ou en les brûlant ! Pourquoi cette destruction de vêtements neufs ? Toujours pour des raisons de rentabilité. Les stocks coûtent cher, car il faut payer des locaux, sans compter le coût fiscal car la valeur des stocks s’ajoute au bilan financier et augmente l’impôt sur la société. Pourquoi les marques ne donnent-elles pas aux associations ? Parce que même en donnant ces produits, les sociétés doivent payer la TVA pour ces produits. A cela s’ajoute le coup du transport vers les associations. Encore une fois, détruire est moins cher. Résultat : en Europe, 4 millions de tonnes de textiles finissent à la poubelle chaque année en Europe.
Le second gros problème que représente l’industrie textile pour l’écologie, c’est la pollution qu’elle génère. Les deux principales fibres textiles utilisées aujourd'hui dans la production vestimentaire sont le polyester et le coton. Le polyester représente 70 % des matières premières produites à partir du pétrole. Il est responsable de 31 % de la pollution plastique des océans. Le coton est une fibre végétale dont on pourrait croire la production moins nocive pour l'environnement. Représentant 25 % des matières premières issues de l'agriculture, sa culture emploie de grandes quantités d'engrais et de pesticides. La production d'un seul kilogramme de coton consomme entre 5 400 et 19 000 litres d'eau, faisant de lui le troisième consommateur d'eau d'irrigation.
La transformation de ces matières premières emploie de nombreux produits chimiques, souvent très toxiques. NFE, PFC, DMF, derrières ces sigles se cachent des substances nocives pour l'environnement. Irritants, allergènes, ou parfois cancérigènes, ils peuvent également provoquer des problèmes de santé chez le consommateur.
Concernant les gaz à effet de serre, l'industrie du textile est aussi un très mauvais élève, avec 1,2 milliard de tonnes de CO2 rejeté chaque année dans l'atmosphère, ce qui représente 2 % des émissions mondiales.
Les océans sont aussi victimes de la fast fashion. Lors du transport des vêtements, des cintres à usage unique sont utilisés, avant d'être remplacés par d'autres cintres plus esthétiques lors de la mise en rayon. Résultat : chaque année dans la monde, 85 milliards de ces cintres sont jetés. Ces déchets plastiques rarement recyclés se représentent une grave menace pour les océans.

Who made my clothes
Suite à la tragédie du Rana Plaza, les créatrices Carry Somers et Orsola de Castro, figures respectives de la mode éthique et durable, créent le collectif Fashion Revolution. Composé de créateurs, marques, professionnels du textile, écrivains, et autres acteurs de la mode des quatre coins du monde, l’association veut agir pour changer les choses. Carry Sommers déclare : « La demande peut révolutionner la façon dont la mode travaille en tant qu’industrie. Si chacun remet en question sa façon de consommer, le modèle tout entier va changer radicalement. » Comme l’indique le nom du collectif, il est bien question de révolution. Et cette révolution doit venir de nous tous. Il est question de renverser le pouvoir. Ne plus laisser les marques nous dicter nos achats, mais leur imposer notre volonté de favoriser un commerce éthique et écologique.
Pour ce faire, le collectif a lancé sur les réseaux sociaux un mouvement consistant à poster une photo avec le hashtag #whomademyclothes (qui fabrique mes vêtements ?) afin d’inciter les marques à plus de transparence. Le mouvement devient tellement populaire qu’il donne naissance à la « Fashion revolution week ». Une semaine entière, à la date anniversaire de l’effondrement du Rana Plaza, où les consommateurs sont invités à se mobiliser pour lutter contre la mode rapide.

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